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Tambour à fente

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Le tambour à fente est un tambour idiophone confectionné d’un morceau de bois évidé et muni d’une fine fente qui fait office d’ouverture de résonance. Le tambour à fente est frappé à l’aide d’un bâton en bois des deux côtés de la fente, ce qui permet de produire deux tonalités différentes. La possibilité qu’offre ce tambour de combiner le rythme avec les tonalités en fait un instrument de communication apprécié par les peuples qui pratiquent le language phonique, comme les Bantous.

Les collections du Musée royal de l’Afrique centrale comptent au total 421 tambours à fente. A quelques exemplaires près, ils proviennent tous du Congo. Cette collection donne un aperçu complet de tous les types de cet instrument qui ont été et sont encore utilisés au Congo.

Les trois modèles les plus courants sont le tambour à fente cylindrique, trapézoïdal et zoomorphe ; il existe également des tambours à fente en forme de tulipe, en forme de demi-lune et en forme de bateau.

La structure du tambour est toujours la même pour tous les types. Elle est le mieux illustrée par le tambour à fente cylindrique. Un morceau de bois, le plus souvent un morceau de tronc d’arbre, est taillé dans la forme désirée et ensuite évidé par le dessus (par la fente). L’artisan fait en sorte que les deux parois du tambour aient une épaisseur différente l’une de l’autre, de façon à ce qu’ils puissent produire une tonalité différente lorsqu’ils seront par la suite frappés avec deux bâtons munis à leur extrémité d’une boule en caoutchouc. C’est sur cette structure à deux tons que sera basé l’envoi de messages, usage pour lequel l’instrument est le mieux connu.

La créativité de l’artisan qui confectionne le tambour peut s’exprimer surtout dans la manière dont il décore le dessus du tambour autour de la fente. Il peut se contenter de découper la fente et d’ajouter à chaque extrémité deux “trous de résonance”, ou bien décorer tous les alentours de la fente à l’aide de motifs géométriques.

Ce modèle de tambour à fente se rencontre à peu près partout au Congo, mais principalement dans la partie sud du pays (Kwango, Katanga, Cuvette centrale, Bas-Congo et Maniema). Mondo et kyondo sont des appellations courantes de cet instrument, mais d’autres appellations sont également utilisées de manière sporadique, suivant les différents groupes ethniques.

En ce qui concerne les tambours à fente cylindriques, il faut mentionner le petit tambour anthropomorphe du Kwango et du Bas Congo (Yaka, Holo, Suku) : celui-ci se caractérise par ses petites dimensions mais aussi par la décoration à caractère anthropomorphe (une tête) qui fait office de poignée. C’est uniquement le féticheur-guérisseur qui peut utiliser ce tambour : à l’aide de l’instrument, il appelle les esprits guérisseurs et communique avec eux.

Les tambours à fente de plus grand format sont ceux du type trapézoïdal. Leur nom indique de quoi il s’agit : de grands instruments monoxyles ayant la forme d’un trapèze, qui sont soit déposés sur le sol ou bien tenu par le joueur sous son bras après l’avoir attaché à l’aide d’une corde solide. Ce type de tambour se rencontre sur une zone étendue au Congo : dans la Cuvette centrale, le Maniema, le Kasaï, le Kivu et le Kwango. On lui connaît un certain nombre d’appellations différentes : lukumbi, nkumvi etc.

Outre sa fonction en tant qu’instrument de communication, le tambour à fente trapézoïdal est souvent intégré au sein d’ensembles musicaux interprétant de la musique de divertissement : il y remplit le rôle d’une basse rythmique avec ses tonalités profondes.

Le tambour à fente en forme de “tulipe” est un des plus beaux. Ce nom lui a été donné par J.S.Laurenty, organologue au Musée royal de l’Afrique centrale (1965 - 1991). L’instrument ne se trouve que dans l’Uélé (Mangbetu, Zande et Mamvu), où on lui connaît diverses appellations. La créativité dont font preuve les artisans qui confectionnent ce type de tambour révèle une fois de plus à quel point l’aspect créatif est important chez certains peuples. Les Mangbetu et les Zande sont connus pour leurs belles et élégantes sculptures, que l’on retrouve au niveau morphologique également sur de grands objets usuels comme les tambours à fente.

Ce qui est remarquable, c’est que ce type de tambour à fente est toujours joué par un musicien qui utilise à lui seul deux instruments, ce qui, dans nos collections, se remarque au fait qu’on ne voit des traces de battement que sur un seul côté sur chaque tambour. La photo ci-jointe permet de voir de quelle manière le musicien joue de l’instrument. Perrsonne ne sait ce qui a justifié le choix d’une telle technique d’interprétation.

Comme cela est le cas dans d’autres régions du Congo, ce tambour à fente est également intégré au sein de plus grands ensembles instrumentaux, dans lesquels il fait office d’instrument à percussion pour animer les danses et les festivités.

Le tambour à fente en “demi-lune” est apparenté au type précédent. Il est typique des Zande et des peuples apparentés, qui l’appellent dundu. Ce modèle de tambour est plus élémentaire dans sa structure, pourtant il demande beaucoup d’adresse et un doigté évident à l’artisan qui, à l’aide des outils dont il dispose, va devoir évider un morceau de bois relativement fin tout en lui donnant des parois d’épaisseur différente. Cet instrument remplit les mêmes fonctions que le modèle précédent, à l’occasion d’événements à caractère hiérarchique ou musical.

Un modèle de tambour à fente retient tout particulièrement notre attention, d’une part de par sa forme mais surtout de par le fait qu’il n’est pas destiné à être utilisé comme instrument de communication. Il s’agit du tambour à fente “en bateau”, un tambour assez modeste en ce qui concerne ses dimensions mais qui est en général décoré de superbes motifs de toutes sortes. En outre, le fond de ce tambour est dentelé : il est donc souvent utilisé comme râpe. L’aire de répartition de ce tambour, les rives et l’embouchure du fleuve Congo, est habitée par les Kongo en Woyo. Le rôle spécifique de cet instrument dans la vie des Africains de même que d’autres détails encore lui confèrent une personnalité à part, de trois points de vue différents : sa construction, son origine et son rôle dans la vie traditionnelle. Ce sont surtout les décorations qui rendent cet instrument assez unique. Outre la patine brun foncé qui caractérise les plus anciens exemplaires, certains spécimens sont peints d’un côté en rouge et de l’autre en blanc. Les sculptures et les encoches qui ornent ces tambours, le plus souvent d’un seul côté, montrent des motifs géométriques à côté d’illustrations à caractère humain et animalier. Ce petit instrument, le nkonko, est utilisé dans le Bas Congo dans le cadre du culte lemba, par le maître circonciseur à l’occasion de la cérémonie de circoncision (nkanda), mais aussi par le guérisseur nganga qui en joue durant le rituel de guérison. On retrouve également l’instrument dans les cérémonies des confréries secrètes. Un informateur a également fait mention de l’utilisation de ce tambour pour accompagner les danses en cercle (rituelles ?) des femmes dans le Mayombe. Il précise que ce petit tambour à fente est fixé sur le dos à hauteur des hanches de chaque danseuse et que c’est la femme qui suit derrière qui en joue en le frappant à l’aide d’un seul bâton. Etant donné que l’instrument n’est utilisé que dans ce contexte et qu’il ne sert pas pour transmettre des messages, il ne faut pas s’étonner du fait que l’intervalle entre les deux tons soit minime, voire même dans la plupart des cas inexistant.

Les tambours à fente que l’on appelle zoomorphes impressionnent surtout par leur forme : on en trouve de grandes et de petites dimensions. Comme leur nom le laisse supposer, ces tambours sont réalisés à partir d’un très gros bloc de bois taillé en forme d’animal stylisé (buffle, antilope). Ils se distinguent principalement par le corps volumineux qui fait office de caisse de résonance et à l’extrémité duquel on sculpte le cou et la tête (d’un côté) et la queue (de l’autre côté) La tête et la queue ne sont pas toujours clairement identifiables : sur certains modèles, l’artisan se contente de sculpter de chaque côté une forme identique. Pour rendre l’aspect encore plus impressionnant, le “corps” est en outre posé sur quatre pattes...

Il est tout aussi étonnant de remarquer que les grands tambours zoomorphes appelés monganze et mokoto proviennent exclusivement de la région de l’Oubangui (Loi, Ngbaka, Ngombe, Lobala), tandis que les petits modèles, appelés gugu, proviennent surtout de l’Uélé (Mamvu, Zande, Mangbetu, Barambo). La fonction première de ces instruments est la communication, mais ceci ne veut nullement dire que le tambour à fente ne puisse être utilisé pour donner le rythme dans des ensembles musicaux plus complets. Alors que dans les régions précitées, une sorte de loi tacite veut que la possession de ce genre d’instrument soit un privilège réservé au chef et à quelques notables pour lesquels il fait office de symbole de leur puissance et de leur prestige, on constate au contraire que chez les Barambo, n’importe qui peut se permettre de posséder un tel instrument.

Portée des sons produits par le tambour à fente

Un instrument dont la fonction spécifique est de diffuser des messages doit répondre à toute une série de normes. Le tambour à fente en est un bon exemple : la portée des sons qu’il produit dépend de divers facteurs : le volume de l’instrument, les facteurs atmosphériques et topographiques, la force avec laquelle on frappe sur l’instrument. Etant donné que l’eau est un excellent conducteur acoustique, le tambour à fente est souvent placé le long d’une rivière.

Lorsqu’il s’agit de tambours à fente de grandes dimensions (ex. les grands tambours zoomorphes ou cylindriques), on a affaire à des instruments utilisés pour envoyer des messages vers les villages avoisinants, ce qui veut dire que les sons doivent porter sur une distance importante (10 à 15 km). Il ne faut pas oublier que ces instruments sont la possession pour ainsi dire exclusive des chefs locaux : ils sont donc utilisés également pour envoyer des messages sur l’ensembe du territoire contrôlé par ceux-ci : les tambours qui se trouvent dans des villages plus éloignés servent alors de relais. En d’autres termes, le premier tambour envoie le message, le tambour suivant capte le message et le transmet à son tour et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ensemble du territoire soit couvert.

Le tambourinaire

Seules quelques personnes du village ont le droit de jouer du tambour à fente. Ces personnes doivent non seulement connaître les messages à envoyer, mais aussi être capables de jouer d’une manière adéquate afin que ces messages soient compris par les destinataires : cette habileté n’est pas donnée à tout le monde. Le tambourinaire reçoit d’abord une formation approfondie de la part d’un tambourinaire confirmé, dont il prendra la place par la suite. Si quelques personnes seulement ont le droit de jouer du tambour à fente, nous avons par contre pu constater que tout le monde comprend la signification des messages transmis par l’intermédiaire de cet instrument.

Sur le plan social, nous remarquons que le tambourinaire ne bénéficie pas automatiquement d’un statut spécial au sein du groupe : contrairement à d’autres musiciens, jouer de son instrument n’est pas une activité quotidienne et il ne vit pas de sa musique. On trouve cependant l’exception à cette règle chez les Tetela : le tambourinaire occupe une place spéciale en marge de la société. Nous pouvons également constater que le tambour à fente est exclusivement un instrument joué par les hommes : bien qu’elles n’en jouent pas, les femmes comprennent cependant la signification des messages transmis par le tambour.

Le langage du tambour

Comprendre le langage du tambour est, pour les non-initiés, une tâche difficile. Ce langage est en effet basé sur la langue parlée (bantoue), qui est une langue phonique. Un mot constitué d’un certain nombre de syllabes peut avoir une signification différente suivant que l’accent tonique est placé sur une ou l’autre de ces syllabes. Etant donné que nous avons affaire à des “peuples sans écriture” chez qui la langue parlée exerce un impact considérable sur la vie de tous les jours, l’envoi de messages doit être très strictement structuré.

Au niveau de la langue et des mots eux-mêmes, chaque phrase du langage du tambour est une transcription codée du concept-clé qui est envoyé, par exemple au sujet du chef, d’une personne décédée, de la convocation des notables à une réunion, d’un événement particulier ou d’un événement survenu dans le groupe...

La succession des différentes phrases communiquées par l’intermédiaire du tambour est elle aussi fixe :

1) appeler l’attention

2) signaler qui envoie le message

3) signaler de quoi il s’agit

4) terminer le message

Ce type d’instrument apparaît dans d’enregistrements de nos archives sonores, réalisés parmi les peuples congolais suivants ; il est connu sous les noms vernaculaires suivants:

Bakpekpe (Budu), Boungou (Lokele), Bugu (Zande), Chondo (Kanyoka), Condo (Luba-Kasai), Dundu (Pygmées), Ebgbge (Pygmées), Emandru (Medje), Gbugbu (Gbandi, Mayogo), Gogo (Mamvu), Gudugudu (Ndo), Gudu-gudu (Abangba), Gugu (Zande), Igogo (Pygmées), Igogo deja (Budu), Igogo tade (Budu), Ikokola (Boyela, Ngando), Ikokole (Batwa, Bolia, Ekonda, Twa), Ikole (Mongala), Ikookole (Mongo), Kandji (Ngoma) (Kongo), Kankonko (Sala Mpasu), Khoko (Kongo), Kiyondo (Songye), Kyondo (Luba), Lenga (Gubu), Lokele (Bongando), Lokole (Batwa, Boyela, Ekonda, Elinga, Enga, Kutu, Mongo, Ndengese, Nkundu, Saka), Lokolé (Mongo, Mputu), Lokombe (Boyela, Ndengese, Tetela), Lokombe (Lukumbe) (Mongo), Lokuku (Ekonda), Lukumbe (Hamba, Mondja, Tetela), Lunkufi (Songye), Magbo (Mayogo), Makpo (Budu / Mbuti), Makpo (Kpokpo) (Pygmées, Pygmées), Mandru (Mangbetu), Mgungu (Mbuti), Mokoto (Binza), Molonge (Sengele), Mond (Lunda), Mondo (Kongo, Kwese, Mpangu, Suku, Tshokwe, Yaka), Mongungu (Ngombe), Mpopwo (Bari), Mudimba (Kanyoka, Luba), Mungungu (Bali), Mutumba (Lunda, Sala Mpasu), Ndundu (Pygmées), Nedundu (Medje), Nekbokbo (Medje), Nekpokpo (Mangbetu), Nemandru (Mangbetu), Nengwangu (Mayogo), Ngombi (Boa), Ngoto (Lobala), Ngufu (Yaka), Nkoko (Yaka), Nkombe (Lokombe) (Boyela), Nkonko (Kongo), Nkumvi (Luba), N'kupila (Yaka), Shakudi (Mongo, Tetela), Tshikunvu (Lunda), Tshingoma (Kongo), Tshingufu (Chokwe, Tshokwe), Wungu (Hamba), Yeye (Mayogo)

Discographie:

© KMMA