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Lamellophone

Dia 68.jpg IKEMBE_41816.jpg Tshokwe-Angola2067Tshisaji Schmidt73.jpg kksanza.jpg Tshokwe3436 Schmidt76.jpg Tshokwe4167 Schmidt76.jpg Tshokwe4239 Schmidt76.jpg lamellofoon1.jpg lamellofoon10.jpg lamellofoon11.jpg lamellofoon12.jpg lamellofoon2.jpg lamellofoon3.jpg lamellofoon4.jpg lamellofoon5.jpg lamellofoon6.jpg lamellofoon8.jpg lamellofoon9.jpg

(luister)

Avec le tambour à membrane, le lamellophone est probablement l’instrument de musique le plus caractéristique de l’Afrique subsaharienne. Suivant la région, l’instrument est connu sous diverses appellations : sanza, likembe, mbira ou des dérivés de ces noms. Dans notre langue, l’instrument est parfois désigné sous le terme de “piano à pouces”, un terme utilisé par les coloniaux et/ou les missionaires qui mentionnent l’instrument dans leurs écrits. Ce terme n’est cependant pas très judicieux, étant donné que la comparaison avec un piano est hasardeuse. Ceux qui ont adopté le nom de “piano à pouces” ont probablement été influencés par le fait que l’instrument se tient des deux mains et que les lamelles en fer ou en roseau sont frappées à l’aide des pouces.

La structure du lamellophone, qui possède un nombre relativement élevé de touches, se prête idéalement à l’accompagnement de chants qui sont interprétés par le joueur de sanza lui-même. Etant donné que la majorité des modèles de sanzas sont assez petits, cet instrument est idéal pour être emporté à l’occasion d’une longue marche. Il permet d’agrémenter le rythme monotone des pas. Mais le lamellophone peut aussi être joué pour le simple plaisir du musicien et des auditeurs assis devant la hutte ou encore pour raconter les petits événements quotidiens du village. Son rôle et sa fonction dans la vie de tous les jours sont donc de nature purement divertissante.

D’un point de vue musical, ce sont toujours des formules d’accompagnement répétitives qui sont interprétées à l’aide du sanza. On peut imaginer que les sanzas munis de trois rangées de touches (Tshokwe) permettent d’élargir l’éventail de telles formules, ce qui limite leur utilisation aux seuls musiciens les plus habiles. Il n’y a rien d’étonnant à constater que les sons produits par les lamelles du sanza se rapprochent souvent de ceux produits par le xylophone. Mais il faut immédiatement préciser que le ton du sanza peut être facilement modifié en allongeant (pour donner des sons plus graves) ou en raccourcissant (pour donner des sons plus aigus) la longueur de la partie des lamelles qui vibre. Des recherches ont par ailleurs montré que certaines compositions pour xylophones peuvent également être interprétées au sanza.

Un instrument aussi populaire et répandu apparaît logiquement sous diverses formes et divers modèles. Sur base de l’importante collection de lamellophones que possède le Service d’ethnomusicologie (695 pièces au total), LAURENTY, J.S., organologue, a établi une classification des lamellophones du Congo. Il a identifié 18 types différents suivant la forme de la caisse de résonance, le placement des lamelles et la répartition géographique. La construction de l’instrument repose sur trois données de base : 1) la caisse de résonance, 2) les lamelles et 3) le support qui soutient ces lamelles.

La caisse de résonance des lamellophones du Congo varie depuis le simple petit bac rudimentaire rectangulaire jusqu’à la calebasse, en passant par la grande caisse en bois ovale et creuse.

Ce dernier modèle est typique des Angba, un groupe ethnique vivant dans la région de la rivière Aruwimi et qui appelle l’instrument lugungu. Il se compose d’une grande caisse de résonance ovale en bois et est déposé sur le sol, reposant sur quatre petits blocs de bois. Etant donné les dimensions de l’instrument, on a eu tendance à le considérer comme un “sanza d’orchestre”, tendance encore renforcée par le fait qu’il ne possède que cinq touches, ce qui fait automatiquement penser à une fonction de basse. Il est en effet impossible d’interpréter une mélodie élaborée à l’aide de seulement cinq touches, et l’on doit se contenter d’un accompagnement en ostinato.

On peut comparer ce modèle à celui du lamellophone muyemba des Tshokwe du Congo et de l’Angola, du moins en ce qui concerne les dimensions de la caisse de résonance, en l’occurence une grande calebasse de forme arrondie. La surface de résonance de ce lamellophone est une petite planche décorée de motifs géométriques, typique de la sculpture sur bois des Tshokwe, sur laquelle un grand nombre de lamelles (la plupart du temps 17) est fixé en trois rangées. L’instrument doit son nom de muyemba à la disposition des touches : uyemba est en effet le nom donné à la coiffure traditionnelle (perruque) des femmes Tshokwe, qui enduisent leurs mèches de cheveux entremêlées à l’aide de terre rouge et d’huile de palme. Les lamelles sont accordées de façon à ce que la première rangée donne un octave plus haut que la deuxième rangée, qui donne à son tour un octave plus haut que la rangée du dessous, ce qui donne à l’ensemble un répertoire de trois octaves. La complexité technique de l’instrument permet de penser que seuls les musiciens les plus talentueux pouvaient en jouer. Pour confectionner la caisse de résonance, on utilise une grande calebasse de forme arrondie, qui, de par les dimensions de l’espace creux, produit un son complet. Pour jouer de l’instrument, le musicien tient la planche des deux mains et utilise les deux pouces. L’ouverture de la calebasse est toujours suffisante pour donner de la place aux deux mains.

Au sein du même groupe ethnique, c’est le kakolondondo qui est le modèle le plus répandu : il est confectionné à l’aide d’une (plus petite) calebasse et possède une seule rangée de lamelles. On remarquera que celles-ci sont généralement confectionnées à partir de rayons aplatis d’une roue de vélo ou de baleines aplaties d’un parapluie, ce que l’on peut déduire en examinant le petit trou pratiqué à l’extrémité de la lamelle. Cet instrument est très populaire chez les Tshokwe : de nombreux musiciens disposent de leur propre répertoire, qu’ils exécutent tant pour eux-mêmes que pour un auditoire éventuel.

Le modèle le plus courant a été nommé type “fluvial” par LAURENTY : sa répartition géographique très étendue est telle que l’instrument ne peut pas être rattaché à un seul peuple ou à une seule région. L’adjectif “fluvial” se rapporte à la répartition de l’instrument que l’on retrouve chez des peuples vivant le long des rives des grands fleuves du Congo. L’aspect le plus typique de cet instrument est sa caisse de résonance en forme de boîte, les lamelles métalliques et le support auquel celles-ci sont fixées. La caisse de résonance en forme de boîte est au départ un morceau de bois rectangulaire évidé par un des côtés afin de créer un espace creux à l’intérieur. Le côté ainsi ouvert est ensuite refermé à l’aide d’une fine planchette dont les bords sont colmatés à l’aide de résine ou de caoutchouc. Sur la face latérale et sur la face inférieure de la caisse de résonance, une petite ouverture est pratiquée qui permet au musicien de modifier le timbre en bouchant à l’aide d’un doigt l’ouverture de la face inférieure ou en pressant l’ouverture de la face latérale en tenant l’instrument contre son ventre. La plupart du temps, ces lamellophones ont un nombre élevé de lamelles, de 6 à 18, avec une moyenne de 10, ce qui permet au musicien d’interpréter –généralement- une mélodie en ostinato qui accompagne ses chants. Ce type de lamellophone, souvent appelé likembe ou un dérivé de ce terme, se trouve de manière plus ou moins répandue sur une grande aire de répartition en République démocratique du Congo, en République populaire du Congo, dans le sud-ouest de la République centrafricaine, au Rwanda, au Burundi et dans certaines régions de l’est de l’Angola et du nord-ouest de la Zambie.

Le type fluvial est également répandu, dans une finition assez particulière, au Bas Congo : le lamellophone est dans ce cas richement orné de décorations réalisées à l’aide d’un tison qui brûle le bois (dessins géométriques, plantes, fleurs, feuilles, etc.). Ce type est unique en son genre, à tel point que l’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une variante locale confectionnée par un seul et même fabricant et qui aurait abouti par hasard dans notre collection, ceci d’autant plus que les recherches organologiques antérieures menées dans cette région n’ont jamais fait mention d’un pareil type de sanza.

Un certain nombre de lamellophones ont la particularité de posséder une caisse de résonance très spécifique. Alors que la majorité des sanzas possède une caisse de résonance en bois ou en calebasse, nous détenons dans notre collection 17 lamellophones dont la caisse de résonance a été confectionnée à l’aide de carapaces de tortues ou à l’aide de crânes humains ou animaux. On retrouve de tels instruments dans la région de l’Oubangui tout autour de la grande boucle du fleuve Congo dans le nord : cette région est peuplée par les Ngombe. Quant à savoir pourquoi des crânes humains ont été utilisés, aucune réponse n’a encore été trouvée à l’heure actuelle. Bien que la nature du matériau utilisé puisse faire penser à une signification rituelle, il convient de rester prudent lorsqu’il s’agit d’interpréter ce genre de phénomène. Quoi qu’il en soit, l’utilisation de crânes humains ou animaux pour la confection d’instruments de musique demeure tout à fait inhabituelle.

Moins mystérieux mais certainement tout aussi intéressant, le lamellophone tsimbi ne se retrouve qe dans le Bas Congo, à l’embouchure du fleuve Congo. Il est caractérisé par les jolies formes de la caisse de résonance. La forme tarditionnelle rectangulaire est ici remplacée par une forme arrondie qui se prolonge à son extémité avant en forme de bec de corbeau (terme utilisé en organologie) sur la face inférieure et est décorée de motifs géométriques qui, dans le cas de l’instrument illustré ici, font plutôt penser à un plan de village avec mention de l’emplacement des huttes. Ce genre de décoration contraste avec les motifs purement géométriques qui décorent généralement les instruments. A nouveau, aucune explication n’a pu être donnée quant à la signification précise de tels motifs décoratifs.

Ce type d’instrument apparaît dans d’enregistrements de nos archives sonores, réalisés parmi les peuples congolais suivants ; il est connu sous les noms vernaculaires suivants:

Akasayi (Nande), Alogu ((Wa) Lese, Pygmées), Chisaj (Lunda), Chisanzhi (Kanyoka, Luba, Luba / Lulua, Luba / Songe, Lwena), Chisanzhi Likembe (Luba / Kalebwe), Chisanzhi-chinene (Luba), Dibung (Lunda), Dikembe (Luba, Ndembo), Domo likembe (Ndongo), Dudjimba (Sala Mpasu), Dungba (Pygmées), Dwaza pwa mukuma (Sala Mpasu), Ekebe (Ebonga) (Boyela), Ekembe (Binza, Logbama, Ngando, Zande), Endingiti (Hema), Ensanswa (Batwa), Enzenze (Mongo), Erikembe (Nande), Esanzo (Bampe, Boyela, Ekonda, Ngando, Nkundu), Gbe-kombi (Yogo), Ibeke (Lobala), Ikembe (Ngombe), Ikumu (Leele), Isandji (Bisandji) (Yaka), Isanga (Boyela), Isanzo likembe (Zande), Isen (Mputu), Kadimba (Luba), Kandu (Sala Mpasu), Kasayi (Shi), Katima Likembe ((Wa) Nande), Kiliyo Likembe ((Wa) Nande), Kisanji (Tshokwe), Kisanji ka nsanzu (Luba-Kasai), Kisansi (Kongo, Yaka), Kisanzi (Luba), Kisazhi (Chokwe), Kombi mbira (Yogo), Kundi (Zande), Kyanya (Luba), Lamellofoon (Luba), Libongi (Ngombe), Likembe (Alur, Barombo, Budu, Efe, Gbandi, Luba, Mbole, Mbuti, Mvu, Nyanga, Pende, Shi, Wagenia), Likembi (Ekepeti, Esanza) (Ngbaka-Mono), Lisanzo (Bobwa), Lisanzo likembe (Mombutu), Losokia (Boyela, Saka), Madaku (Zande), Maduku (Azande), Mang'baru Likembe ((Wa) Nande), Muchapata Likembe mbira (Luvale), Nanga ((Wa) Nande), Neikembe (Medje), Nelikembe (Mangbetu), Ngombi (Gbandi, Ng'bandi, Ng'bandi), Omadjundje (Mongo), Omadjunju (Tetela), Sansa (Bena Kosh, Pindi), Sanza (Kongo, Koukouya, Kutu, Lali, Ntandu), Sanzo ababo (Bira), Sanzo apido (Bira), Tshisaasj (Lunda), Tshisaji (Tshokwe), Tshisaji kakolondondo (Tshokwe), Tshisaji lungandu (Tshokwe), Tshisaji mutshapata (Tshokwe), Tshisanji njia nsanzu (Luba), Tshisanji tshia mulundu (Luba), Tshisanji tshia muswaswa (Kanyoka, Luba), Yengo (sanzi, likemba) (Kongo)

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