L’appellation organologique de cet instrument, la cithare en bouclier, provient de sa forme qui peut être comparée à celle d’un bouclier. La répartition de cette cithare se limite à la région des Grands Lacs d’Afrique centrale (est du Congo, Rwanda, Burundi et Tanzanie). Tout comme la cithare en planche, elle affiche des affinités avec les cithares du Sud-est asiatique.
La cithare en bouclier possède une caisse de résonance dont les côtés sont légèrement concaves et prennent donc la forme d’un bouclier. Les dimensions varient entre 75 et 115 cm pour la longueur et 25 à 30 cm pour la largeur. Dans la partie la plus étroite de l’instrument, le bord du bouclier est nettement plus profond et pourvu de 8 ou 9 encoches permettant de faire passer les cordes. Toutes ces encoches ne servent pas effectivement à faire passer une corde : le nombre de cordes est donc toujours inférieur au nombre d’encoches. Il est à remarquer que les cordes qui sont fixées à la table musicale ne sont pas des cordes individuelles mais bien une seule et longue corde fine qui passe de haut en bas en travers de la surface de la table pour être à chaque fois fixée dans une encoche, finisant ainsi par former un ensemble de cordes parallèles. L’extrémité de cette longue corde est fixée à un petit bloc de bois en oblique. A l’ouest du lac Tanganyika, on fixe sous la cithare en bouclier une calebasse qui sert de caisse de résonance supplémentaire, ceci afin de renforcer le son : la portée de la cithare est en effet assez réduite.
La cithare a généralement un caractère anhémitonique pentatonique, ce qui veut donc dire que toutes les cordes –au nombre de 6 à 9- ne sont pas utilisées. Pour accorder les cordes, il est nécessaire de les tendre quelque peu (tonalités aiguës) ou de les relâcher (tonalités graves). Mais étant donné que toutes les cordes ne sont en fait formées que d’une seule et même longue corde repliée, en tendant une de ces cordes, on influence la tension de la corde suivante et ainsi de suite.
Le musicien est assis pendant qu’il joue et tient la cithare posée verticalement sur son genou. Il tient l’instrument avec le petit doigt de sa main gauche et utilise les autres doigts de cette main pour activer les quatre cordes supérieures, tandis que les quatre cordes inférieures sont activées à l’aide des doigts de la main droite. Les cordes sont toujours activées de manière ouverte par le bout des doigts : il n’y a donc qu’un son par corde. Une technique qui est cependant utilisée consiste à toucher légèrement la corde à un endroit précis puis de la pincer, ce qui donne naissance à un son supérieur. On peut également produire un son supplémentaire en frappant de manière cadencée les ongles sur le bord de la cithare. La position adoptée pendant que l’on joue de l’instrument peut aussi varier d’un musicien à l’autre.
La fonction de l’instrument et de sa musique se limitaient autrefois à un public restreint (le roi et son entourage de notables et de femmes), mais aujourd’hui, cette cithare est également appréciée par la population et est utilisée pour accompagner des récits à caractère local ou historique. La plupart du temps, la cithare en bouclier est interprétée en solo, le musicien chantant des textes de sa propre écriture qui traitent d’événements historiques, d’expériences personnelles ou de petits faits de la vie quotidienne.
Ce type d’instrument apparaît dans d’enregistrements de nos archives sonores, réalisés parmi les peuples congolais suivants ; il est connu sous les noms vernaculaires suivants:
Bafili (Bali, Kumu), Bapili (Mbuti), Enanga (Nande), Enzenze (Nande), Esanzo (Mongo), Inanga (Lega, Rundi), Inanga (Kinubi) (Hutu), Kingwandikila (Bembe), Langangu (Mbunda), Lulanga (Shi), Lunzenze (Luba-Kasai), Mafili (Bafili) (Pygmées), Nanga (Banyoro), Nedongu (Mangbetu), Ngombi (Segwirunibia) (Zande), Ngyela (Luba), Nzenze (Bira), Nzenze (zeze) (Lega), Seki (Mombutu), Zeze (Tembo)
Discographie:
© KMMA